Revitaliser les sols agricoles – par le pâturage et l’apport de matière organique
Le sol est composé de trois parties : la couche superficielle, l’humus et le sous sol. Le sol est un lieu de mort et de décomposition, mais aussi un grand chantier de vie et de création de matière.
Les vaches ont un rôle essentiel dans la revitalisation des sols. En plus de piétiner les sols de manière aléatoire, les bovins apportent leur fumier aux champs et aux cultures. L’action conjointe du pâturage et de la vie propre du sol, permet une amélioration de la densité de la couche superficielle du sol.
En France les agriculteurs vivent au quotidien avec des sols de différentes qualités qu’ils connaissent et exploitent. Ils veillent à l’équilibre des sols, en leur apportant de la matière ou du repos. Cependant, la qualité des sols agricoles dans le monde se dégrade peu à peu au niveau général. Comment en est on arrivé là ? Comment revitaliser les sols agricoles avec des pratiques simples ?
Cet article explique comment fonctionne un sol, ce qui peut dégrader les sols, et comment revitaliser les sols agricoles. Nous allons notamment parler du PTD (Pâturage Tournant Dynamique), comme technique d’enrichissement et de consolidation des sols. Cet article vous est présenté par Cowgestion, solution de financement pour les élevages bovins.
Comment fonctionnent les sols ?
Le sol est un endroit où la matière organique est en devenir, où elle se modifie et évolue. L’azote atmosphérique arrive en azote soluble dans le sol, qui intervient avec les enzymes pour transformer la matière. Un sol n’est pas qu’une machine physico-chimique à produire du grain, son fonctionnement a un impact bien plus étendu qu’il n’y paraît.
Le sol est connecté au reste du monde : une mauvaise gestion des sols augmente l’effet de serre, mais le sol peut capter le carbone pour inverser l’effet de serre. Le sol nous donne notre alimentation, qui est d’origine végétale et animale. Un sol met généralement près de 1000 ans à se former, avec un système racinaire profond et un mycélium à la fois étendu et dense.
Il suffit d’un labour trop profond, ou bien d’une irrigation mal gérée, pour détériorer la qualité d’un sol. En France, on perd l’équivalent d’un département français en superficie de sol agricole tous les 7 à 10 ans. La dégradation des sols est essentiellement liée à l’activité humaine : progression du béton, déforestation, pollution industrielle, salinisation, érosion hydrique.. De plus, du fait de notre méconnaissance des sols, leur qualité baisse d’année en année.
Différentes causes d’appauvrissement des sols
En France, les sols agricoles représentent 45% de la superficie du pays, ce qui représente 26,8 millions d’hectares de terres arables, cultures permanentes et surfaces toujours en herbe. En termes de qualité des sols, la France est plutôt bonne élève. F Bucaille (Revitaliser les sols, ed. Dunod) indique que “certains sols sont égratignés”, mais “leur fertilité peut être restaurée rapidement sur une période allant de 2 à 5 ans”. D’autres pays, notamment en Europe de l’Est, ont subi de sérieuses dégradations des sols depuis les années 1990.
L’objectif est bien évidemment de maintenir un sol stabilisé, avec des apports conséquents en minéraux et nutriments. Mais la mauvaise aération, la mauvaise circulation de l’eau ou la stérilisation, vont contribuer à diminuer la qualité du sol au fil des ans. Différentes causes peuvent être à l’origine d’une dégradation des sols :
- La bétonisation et l’artificialisation des sols : selon la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) et Terre de Liens, l’artificialisation représente entre 50 000 et 57 600 hectares par an, soit l’équivalent d’un terrain de foot toutes les 7 minutes !
- Le tassement des sols lié à la mécanisation : Bertrand Deloste (source) indique que “de nombreuses parcelles agricoles en France sont tassées, parfois de façon profonde”. Il ajoute que cela a des conséquences négatives sur l’oxygénation du sol et l’infiltration de l’eau, l’enracinement des cultures et la biologie. » Le travail mécanique répété nuit à la vie du sol, il lui faut une autonomie pour développer une structure racinaire.
- La sécheresse et les canicules qui fragilisent les sols : Les sécheresse intenses fragilisent les forêts, et notamment celles de résineux. Des forêts qui étaient auparavant des puits de captage du CO2 au sol, deviennent émettrices de CO2 lorsque la sécheresse dure trop longtemps.
- Des pollutions physiques (suspensions solides) et chimiques (nitrates, pesticides, phosphates) dégradent la qualité de l’eau qui s’infiltre et attaquent ou asphyxient les micro-organismes qui participent à la santé du sol.
- Un apport trop faible ou trop important en matière organique déséquilibre la constitution du sol. L’apport de matière organique permet de constituer un manteau végétal qui protège, nourrit et maintient l’eau dans le sol, favorise le travail des lombrics et le développement d’un système racinaire profond. Si cet apport est déséquilibré, avec par exemple un apport trop important en fertilisants et en certains types d’engrais, le sol est saturé et perd de sa vitalité.
Avant l’appauvrissement du sol, beaucoup de fonctions étaient accomplies par des acteurs très anonymes du sol, des micro-organismes et des champignons qui ont petit à petit disparu, héros du quotidien qui avaient leur place à part entière dans le cycle de la biodiversité.
Une étude publiée en février 2018 par la Commission européenne évaluait à 1,25 milliard d’euros par an le coût de l’érosion des sols pour les agriculteurs européens. L’érosion hydrique est le processus par lequel l’eau en ruisselant détache et emporte les particules de sol. Quand l’exploitation agricole empêche – pour certaines raisons- la pénétration optimale de l’eau dans le sol, le ruissellement augmente et emporte les particules de sols. L’érosion réduit les rendements des cultures jusqu’à 50%, et baisse la qualité de la production : la nourriture produite sera moins nutritive et moins saine.
Comment améliorer la qualité des sols
Trois équilibres sont à respecter dans les sols : équilibre physique (la structure du sol), équilibre nutritionnel (azote, phosphore, potassium), et équilibre biologique (respecter les être vivants du sol). En cas de déséquilibre du sol, la matière organique perd en qualité et en quantité : c’est ainsi qu’on perd du sol. Un sol vivant capte le co2 de l’atmosphère, et c’est l’un des meilleurs capteurs de CO2. Lorsque le sol est déséquilibré ou mort, il rejette le CO2 dans l’atmosphère.
Effectuer un diagnostic des sols
Tout bon agriculteur doit connaître la nature et la composition de ses sols. Pour mieux comprendre le sol, vous pouvez réaliser un diagnostic seul ou avec l’aide d’un professionnel du diagnostic des sols.
Un simple diagnostic peut permettre d’évaluer la qualité d’un sol :
- Le test du slip et test du sachet de thé sont des techniques d’auto diagnostic du sol qui permettent d’observer la vie microbienne et la matière organique.
- L’association Apad donne un ensemble de techniques d’auto-diagnostic des sols. Des indicateurs comme la biomasse ou la réduction du travail du sol permettent d’appréhender la qualité des sols.
- Le site suisse Vitival a également compilé un ensemble de techniques de diagnostic des sols agricoles.
- Les plantes bio-indicatrices sont aussi un outil de diagnostic des sols.
- La compilation des bulletins météorologiques sur plusieurs années permet de voir une histoire de la sécheresse et de la pluviométrie sur les différentes parcelles.
- Enfin, l’INRAE a mis au point le premier indicateur mondial de l’évolution du carbone dans les stocks agricoles : le SOCCROP.
Après diagnostic des sols, vous pouvez vous adresser à des entreprises comme Gaiago, qui revitalise les sols par l’apport de prébiotiques qui stimulent le mycélium humifiant (qui produit et structure le humus, élément essentiel à un sol vivant). Améliorer un sol se fait sur plusieurs années, et pour avoir une action marquante il ne faut pas hésiter à prendre le risque de passer à l’action dès l’installation du jeune agriculteur, pour avoir le temps de changer les choses.
Des associations pour vous aider et conseiller sur la revitalisation des sols :
- Association Terra Terre : La revitalisation des sols au cœur de notre transition bas carbone agricole
- Organisme Sols Vivants : https://www.solsvivants.org/sengager/
- Association Française d’Agroforesterie : https://www.agroforesterie.fr/
L’Agriculture régénératrice
Faire de l’agriculture régénératrice signifie se réintégrer dans le cycle du sol. Cela peut impliquer pour certaines fermes de revenir du hors sol vers une agriculture plein sol.
Le sol est nourri par trois choses : le soleil, l’eau, et la biomasse apportée.
- Le soleil est une source d’énergie pure que les plantes et les phytoplanctons captent pour l’injecter dans un écosystème terrestre.
- L’eau est apportée par l’agriculteur et les précipitations, mais surtout par le sol si sa structure est suffisamment complète pour maintenir l’eau sous terre.
- Le niveau de biomasse restitué dans le sol se mesure aux êtres vivants qui l’habitent : les lombrics, le mycélium, les insectes, etc. L’apport de matière organique permet de réhausser ce niveau de biomasse et d’augmenter la biodiversité.
Différents outils existent pour augmenter la vitalité du sol :
- Le mulch et le paillage permettent l’aération du sol.
- En sevrant le sol du travail du sol, on peut gérer différemment la fertilité disponible, et arrêter le travail agressif du sol qui produit des déséquilibres.
- Les couverts végétaux comme l’agroforesterie qui permet de combiner richesse du vivant et utilité de planter des arbres (ombre pour les bêtes, bois de chauffage, lieu de vie, structure racinaire).
- Enfin, la rotation des cultures et le Pâturage Tournant Dynamique avec apport.
L’apport de matière organique au sol
Le rôle de la matière organique est essentiel à la vie des sols. Les différents types de matières organiques ont de nombreuses fonctions que l’on peut voir dans les schémas suivants :
- La matière organique permet le stockage et la mise à disposition des éléments nutritifs pour la plante, par minéralisation.
- Elle stimule l’activité biologique du sol, car elle est source d’énergie et d’éléments nutritifs pour les organismes qui l’habitent.
- Les matières organiques ont un rôle essentiel dans la structuration du sol, et permettent sa stabilité malgré les agressions de la pluie ou du tassement, en limitant l’érosion par l’eau.
- Elle encourage la rétention en eau et la perméabilité du sol, tout en contribuant à son aération.
- Les matières organiques participent à la qualité de l’eau, lorsqu’elles retiennent les polluants organiques (pesticides) et minéraux, mais peuvent être sources de polluants, par exemple par les nitrates et les phosphates.
- Enfin, la matière organique présente dans le sol influence la qualité de l’air, grâce à leur rôle de puits ou d’émetteur de carbone.
La conversion d’une culture en prairie contribue à mieux stocker le carbone dans le sol. L’inverse rend le sol plus émetteur de carbone.
Revitalisation des sols et élevage bovin
La Complémentarité éleveurs – cultivateurs
Depuis toujours le fumier bovin est utilisé pour fertiliser les champs. Cette complémentarité élevage culture usage traditionnel a de nombreux bienfaits et atouts : le fumier est l’un des nombreux apports de matière organique qui encourage la stabilité, retient l’eau, réduit l’érosion, permet aux minéraux et nutriments de se fixer dans le sol.
Selon le recensement agricole de 2010, 92% des élevages d’herbivores n’exportent aucun fumier ou lisiers : elles valorisent tous leurs effluents sur leur sol. Les 8% d’exploitations excédentaires épandent généralement à proximité.
L’apport d’effluents bénéficie aux céréaliers sans élevage qui cherchent à maintenir la qualité et la fertilité des sols. En échange, il sont fournisseurs de paille pour les élevages, voire en prairies non utilisées pour le pâturage. L’échange paille-fumier permet une complémentarité des différentes exploitations (élevage et culture) pour encourager la fertilité et la richesse des sols.
Certains permaculteurs varient les types de fumiers selon la composition du sol : un sol argileux et lourd préfèrera le fumier de cheval, plus léger, alors qu’un sol sablonneux apprécie l’apport du riche fumier de bovins.
Cet échange peut être poussé à l’ensemble des sols destinés aux cultures céréalières, par une rotation des cultures incluant des légumineuses (et notamment la luzerne) qui permettent de capter l’azote de l’air et de fertiliser les sols.
LE PTD (Pâturage Tournant Dynamique)
Le Pâturage Tournant Dynamique est la méthode de pâturage qui concilie le mieux le bien être des bêtes et le respect de l’environnement. Il permet de réduire de plus de 50% les apports azotés dans les prairies : en semant et en laissant pousser des espèces fixatrices d’azote (comme les légumineuses), on évite l’apport de fertilisants extérieurs. De plus, le PTD valorise les intercultures en fourrage, et apporte de la matière organique aux sols plutôt que de les laisser à nu.
La mise en place du PTD nécessite :
- Un découpage judicieux du parcellaire selon le territoire et la taille du troupeau.
- Une durée de broutage de 2-3 jours en moyenne sur chaque parcelle, selon la taille et la composition de la parcelle (12 heures pour des petites parcelles avec de très jeunes herbes, un mois pour de grandes parcelles bien fournies)
- Pour que le sol se constitue correctement, l’herbe doit être attaquée au stade trifolié (lorsque la plante a trois feuilles).
- Le temps de repos du sol est de 20 à 40 jours, et jusqu’à deux mois en été, pour permettre la repousse entre deux passages des vaches.
- Le PTD est favorisé par un semis de légumineuses comme la luzerne qui capte l’azote de l’atmosphère, permettant de nettoyer, de structurer, et d’augmenter la biomasse des sols.
- Les haies et l’agroforesterie sont un atout indispensable du Pâturage Tournant Dynamique : les arbres permettent d’installer un couvert végétal qui protège les ruminants des grandes chaleurs et apportent de la matière organique supplémentaire au pâturage et aux sols.
Faire vieillir ses prairies est également un moyen de valoriser l’écosystème présent en laissant faire la nature. En effet, si l’on ne retourne pas tous les ans les sols profonds des prairies, cela permet au système racinaire de mieux s’implanter et à la biomasse de croître. L’autonomie protéique des prairies tournantes est améliorée si on laisse la prairie en place plusieurs années, tout en gardant un entretien minimal.
L’objectif est bien sûr d’arriver à un niveau d’équilibre où la prairie s’auto-fertilise et dispose des apports qui lui conviennent.
Aller plus loin sur le sujet du Pâturage Tournant Dynamique :
De nombreux articles et vidéos sont disponibles en ligne pour approfondir le sujet du PTD. En voici quelques uns :
- Pâturage – Pourquoi et comment faire pâturer des couverts d’interculture ?
- Gestion de nos prairies. Pâturage Tournant Dynamique, Autonomie en azote = légumineuses, Entretien
- Dépliant PTD – ELVEA France
- PTD – Chambre d’agriculture de Lozère
- Schémas de https://wiki.aurea.eu/index.php/Azote
- André Voisin – La productivité de l’herbe. Un classique sur le pâturage Tournant Dynamique.
Le changement est souvent perçu comme un risque, et on peut hésiter à mettre en place un système qui n’est pas assuré d’avance. En adoptant des pratiques d’aggradation des sols, d’enrichissement des sols par l’apport de matière organique déjà présente à proximité, vous réduisez votre coût en fertilisants, améliorez la qualité de ce qui pousse sur vos terrains agricoles, et vous aurez plus de profits et moins de dépenses en laissant la nature faire le boulot.